L'école coranique, d'hier à aujourd'hui
Témoignages (rubrique évolutive)
" Historiquement, les premiers
"daaras" (écoles), sont apparus au Fouta,
en milieu pular, où l'islam est apparu
dès le XIème siècle. Ce n'est que plus
tard dans cette note, que ce phénomène s'est
implanté en milieu woloff.
L'établissement d'une daara était le fruit d'un
contrat social. Aux marabouts, la charge d'instruire, et aux
populations, le devoir moral de subvenir aux besoins
matériels du marabout. Le volet instruction coranique,
comportait également l'initiation pratique à la
vie communautaire, et à l'apprentissage de certaines
valeurs. Aujourd'hui, on est loin de cette noble mission originelle. La
crise économique a accouché d'un nouveau
phénomène: l'instrumentalisation du
talibé dans le marché de la mendicité.
Dans le centre-ville, les talibés sont tenus de verser
quotidiennement une aumône estimée au minimum
à 300 francs. Ces enfants, âgés en
général entre 6 et 14 ans, sont reconvertis en
mendiants par leurs maîtres…". (In "Bulletin N°11 de Senegalaisement.com", www.senegalaisement.com) |
"Malam
Sani Saidou a plus de 200 élèves dans son
école, avec 4 marabouts enseignants. [...] Le
deuxième niveau regroupe 165 enfants, dont 95
garçons et 70 filles. [...] Chaque groupe,
séparé des autres de quelques mètres,
récite ce qu'il a appris. Le rôle de chaque
marabout est de surprendre les élèves qui lisent
d'une manière erronée. Pour cela, il circule
entre les élèves et les stoppe lorsqu'il entend
une faute. Il dit alors le verset qui pose problème, puis
les fait répéter. Quand les
élèves s'arrêtent de
réciter, le marabout intervient, les menacent de sa chicote,
et ils reprennent la récitation. [...] Le
problème pour le marabout dans une école qui
contient autant d'élèves est d'avoir
l'ouïe assez fine afin de surprendre toutes les erreurs qui
peuvent se reproduire" (Meunier, Olivier. 1997, Dynamique de l'enseignement islamique au Niger. Le cas de la ville de Maradi, Paris : L'Harmattan, Collection Études africaines. Page 58) |
"Quand j'étais à
l'école coranique, j'avais peut-être 6 ou 7 ans,
ma mère m'avait inscrite à l'école
coranique. Dans un premier temps, on apprenait l'alphabet en arabe, on
lisait sur un livre qu'on appelait courassa ou on recopiait ce qui
était dans le livre courassa ou Coran sur un morceau de bois
qu'on appelait anbowy. On allait à l'école
coranique de 5 h.30 du matin jusqu'à 6h 40. Le
maître, le foundi, nous libérait pour aller
à l'école laïque. Comme moi je
n'étais pas inscrite à l'école
laïque, je restais à la maison avec ma
mère. A l'école coranique, tous les vendredis
étaient fériés. Les samedis et les
dimanches, on allait à l'école de 5 h 30
jusqu'à 10h. Après, on allait à la
campagne de notre maître ou d'une autre personne pour
cultiver son champ ou récolter le riz et on amenait le riz
dans des paniers tressés en feuilles de cocotiers. On
rentrait à pied avec les paniers de riz sur la
tête. Certains élèves apportaient des
fagots. Des fois, on apportait des bananes, du manioc, de l'eau
à la campagne et nous préparions un grand repas
pour que la faim n'écrase pas notre ventre. Notre
maître fouettait les élèves quand ils
ne lisaient pas fort. Il voulait qu'on lise très fort. A
l'école coranique, chacun lisait sa leçon
à haute voix. Des fois, le maître ou la
maîtresse choisissait un élève pour
être un gardien de la classe quand il ou elle voulait sortir.
Le matin et l'après-midi, nous les filles, on balayait la
cour puis on allait chercher de l'eau dans la rivière ou aux
robinets. L'après-midi, on commençait le cours de
15 heures jusqu'à 18 heures au moins. En
général, les filles ne venaient presque pas
l'après-midi car elles devaient aider leurs
mères. Si le matin on n'était pas venues et
l'après-midi on venait, le maître nous fouettait.
Le foundi allait chercher des lianes, l'une mince et l'autre grosse,
pour nous frapper. Quand les fouets étaient usés,
il allait en chercher d'autres. On s'asseyait par terre ou sur un
morceau de bois, le siège du foundi était un peu
plus haut que le nôtre et il y avait la façon de
s'asseoir : on pliait les deux jambes comme les Bouddhas quand on
s'asseyait, c'était le foundi qui le commandait." (Témoignage de Mme Madi Baco (extraits), recueilli par sa petite fille, Charfati, Attoumani de Chirongui. http://perso.wanadoo.fr/college.tsimkoura.mayotte/notre region/enfanceavant/charfati.htm) |
"Une pièce de 80 m2
dotée de petites fenêtres qui laissent entrevoir
la verdure fait fonction de kottab, rien de plus n'est
nécessaire pour l'apprentissage du Coran. Il suffit de
rentrer dans cette pièce pour sentir que le temps s'est
arrêté. Le cheikh, perché sur sa
mastaba (sorte de chaire), un long bâton en main
appelé al-falqa, regarde ses élèves
d'un oeil autoritaire et ne laisse rien passer au hasard. [...]. "
Al-Falqa demeure encore un bon moyen d'éducation. Si
l'enfant fait une faute de prononciation, je lui donne un
léger coup. Pas de place ici pour l'enfant
gâté. Et les parents le savent et m'encouragent
à le faire car la récitation du Coran n'est pas
une chose facile et nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas donner
un bon résultat" (Extraits d'un article de "Al-Ahram Hebdo" : A l'école du Coran) |
(...) Dès l'âge de
trois ans, son père le prend avec lui à
l'école coranique qu'il dirige d'une main de fer. C'est le
début d'un apprentissage " douloureux "... au sens propre du
terme. Le père de Haj Ahmed ne badinait pas avec la
discipline, et comme l'usage le voulait à cette
époque, on apprenait le Coran aux enfants avec force coups
de bâtons. Derrous père ne dérogeait
pas à la règle et ne tolérait aucun
manquement, aucun oubli, surtout de la part de son enfant,
censé donner le bon exemple. Sinon... les coups pleuvaient.
Mon père plaçait sa baguette sur ma
tête pendant que je récitais les versets, se
souvient-il. Gare à moi si j'oubliais le moindre mot,
j'étais alors sûr de me faire asséner
un coup sec sur le sommet du crâne. Il m'est souvent
arrivé d'oublier des sourates, alors que je les connaissais
sur le bout des doigts, uniquement parce que cette
épée de Damoclès me coupait mes
moyens... " Neuf années d'apprentissage dans la
sévérité et la rigueur se passent,
dans cette atmosphère rigide. Neuf années durant
lesquelles, sans relâche, assis sur une natte, tenant sa
louha (planche en bois).. (...) (Extraits du témoignage de Mr Ahmed Derrous, Article paru dans "La Vie éco" - vendredi 7 novembre 2003) |
"
Pour Ibrahim, un jeune Sénégalais,
l'école c'est la misère. Il doit mendier pour
payer son professeur, un bien étrange
marabout…Ibrahim est un talibé.
Au Sénégal, un talibé est un enfant
confié par ses parents à une école
coranique, le Daara. Ibrahim a quitté
ses parents à l'âge de cinq ans pour aller au
Daara. Il y a soixante-quinze mille garçons comme Ibrahim
qui fréquentent les Daaras des grandes villes du
Sénégal. Ibrahim ne voit jamais sa famille, car
son école est à T…, une ville
située à 500 km de son village. Les professeurs
des écoles coraniques sont des maîtres religieux
appelés marabouts. Ibrahim doit mémoriser le
Coran. Mais ce n'est pas ce qui se passe…Le marabout oblige
Ibrahim à mendier. Tous les jours, Ibrahim doit rapporter 85
cents pour subvenir aux besoins de son maître. Ça
te paraît peu, mais dans un pays pauvre comme le
Sénégal, c'est beaucoup ! Pour amasser cette
somme, Ibrahim passe des heures à mendier dans les rues de
T... Il n'a plus le temps ni l'énergie pour
étudier le Coran. L'école sert aussi de dortoir
pour les talibés. Chaque nuit, Ibrahim revient coucher au
Daara. Mais le Daara est trop petit pour accueillir les
élèves. Ibrahim dort entassé avec ses
compagnons, sur le sol de la salle de classe. Le dortoir est sale et
insalubre. Autrefois, les marabouts habitaient les villages. Les
enfants talibés vivaient dans leurs familles. Ils
apprenaient un métier en participant à la vie du
village. À l'occasion, les talibés demandaient la
charité. Le but était d'apprendre
l'humilité et l'endurance face aux épreuves de la
vie, deux qualités d'un bon musulman. Un jour, des femmes en
ont eu assez de voir ces jeunes mendier dans la rue et ont
fondé une école coranique modèle : le
Daara Malika qui accueille 70 enfants pauvres. En plus de l'arabe et du
Coran, ces talibés suivent des cours de wolof, langue
parlée au Sénégal, des cours de
français, langue officielle, et des cours de
mathématiques. Le Daara Malika permet
même d'apprendre un métier ! Cela, grâce
à des dons d'ONG. Ainsi, il y a trois ans, la Fondation Paul
Gérin-Lajoie (PGL) a mis sur pied des projets
d'alphabétisation pour les talibés du
Sénégal. Les cours sont donnés deux
fois par semaine, ce qui correspond aux deux jours de repos
alloués aux talibés. Les talibés sont
exposés à plusieurs dangers lorsqu'ils mendient
dans la rue. Ils côtoient les gangs de rue et les
délinquants. Pour eux, la violence fait partie du quotidien.
(Texte de Myriam Verreault, 3 mars 2002) |
Au
bord de l'oued Soumail, sous un palmier qui dispense une ombre
légère, le petit groupe apparaît
soudain, au milieu des rochers: assis à même le
sol, une vingtaine de garçons et de filles -- les
garçons d'un côté, les filles de
l'autre -- apprennent leur leçon sous la surveillance d'un
vieillard à la longue barbe blanche. Pour ardoises... des
omoplates de chameau, dont l'os a été
lissé par des générations et des
générations de petits
élèves. Trempant un stylet taillé dans
une branche dans un petit pot d'encre, les garçons
calligraphient sur leur ardoise un verset du Coran que vient de leur
dicter le maître (le taleb). Vêtus d'une longue
chemise blanche ou brune, les yeux fardés de kohl, portant
au cou un petit porte-Coran ou une amulette, les garçons,
âgés de 6 à 12 ans, sont assez
indisciplinés, et le "taleb" doit sévir, frappant
des mains pour ramener le calme. Assises en demi-cercle autour du
maître, enveloppées dans des voiles aux couleurs
chatoyantes qui couvrent négligemment leurs cheveux longs,
le front orné d'une piécette d'argent, les
fillettes sont beaucoup plus calmes: trois d'entre elles ont un
exemplaire du Livre sacré posé sur leurs genoux,
et elles en lisent un passage, que les autres fillettes
écoutent et essaient de mémoriser. (www.Chris-Kutschera.com - Oman: Une école coranique comme aux premiers jours de l'islam) |
Quand ils n'apportent pas la quantité de riz exigée ou la somme fixée par le maître, ils sont battus et condamnés à apporter le double le lendemain. Dans les quartiers qu'ils fréquentent, ils côtoient des enfants aux conditions meilleures, bien habillés qu'ils regardent avec envie : ils auraient voulu être comme eux nous confient-ils. La peur du maître les conduit souvent à commettre de petits larcins : vols de vêtements, de nourriture dans les marchés ou dans les maisons. Certains Talibés sont des enfants en danger qui consomment de la drogue et s'adonnent au trafic. A deux heures du matin, ils errent encore, fouillant les dernières poubelles des restaurants, rôdant dans les bars, finissant les bouteilles de bière. Ces enfants subissent une répression féroce : rafles, bastonnades, enfermement sans nourriture, violence gratuite, garde à vue à durée illimitée, procès à huis clos sans défense, etc. (Saliou Sarr, les enfants mendiants: étude de cas. École normale de Thiès, Sénégal in Vues d'Afrique N° 1) |
Lever
à 3h du matin, et lecture du Coran jusqu'à 4h30.
Puis ablutions avant la prière de l'aube, à 5 h.
À 5h30, à nouveau lecture, enseignement
jusqu'à 10 heures du matin. Premier repas, puis repos
jusqu'à 12 h. Les études reprennent
l'après-midi de 13h à 15h30. À 16h
distribution de la nourriture, puis de nouveau lecture du Coran
jusqu'à la prière du coucher du soleil. La
soirée commence en présence du cheikh, avec
récitation de prières à la
mémoire des cheikhs disparus. Un cercle se forme dans la
grande cour, et tout le monde récite à haute voix
les prières. À 20h30 les plus jeunes
élèves peuvent aller se coucher; les plus
âgés continueront de prier et étudier
jusqu'à 23h30. Et à 3h du matin la
journée recommence. La nourriture, distribuée 2
fois par jour, est frugale: de la bouillie de sorgho,
mélangée avec de la sauce, et un peu de viande
séchée. L'école d'Umm Dubban demeure
le symbole de l'éducation traditionnelle: les
châtiments corporels y sont toujours pratiqués.
L'étudiant qui arrive en retard au cours ou qui
récite mal ses versets du Coran peut recevoir des coups de
badine. Les fournitures scolaires sont les mêmes depuis des
siècles: des planchettes en bois comme ardoises, des roseaux
taillés comme crayons, et de l'encre fabriquée
avec du noir de fumée. Seule concession au monde moderne:
l'électricité, installée depuis peu.
Avant, le soir, les étudiants faisaient cercle autour d'un
grand feu et étudiaient à la lueur des flammes:
ce feu existe toujours, et l'on ne le laisse pas
s'éteindre...Même les dortoirs, bâtis ou
agrandis avec l'aide des élèves, sont construits
avec des briques crues séchées au soleil comme
cela se fait depuis l'Antiquité. (i)
Pour moi, l'école coranique c'est comme une
période d'initiation, obligatoire à tout comorien
de l'âge de 4-5 ans jusqu'à l'âge de 15
ans. C'est aussi un outil d'intégration social. Un comorien
qui n'a pas fait l'école coranique n'est pas un bon comorien
et ses parents sont condamnables devant la
société et devant Allah. Un jeune comorien qui ne
va pas à l'école coranique ne se sent pas bien
dans sa peau: lors des cérémonies religieuses, il
(ou elle) ne pourra pas lire les versets coraniques comme ses amis, ne
pourra pas faire la prière comme les autres (c'est
inconcevable et honteux), ne pourra pas lire le maoulid ou le
barzangi,... il n'a plus sa place parmi ses amis, il se sent
étranger. Pendant l'école coranique, on habitue
le jeune comorien à aller à la mosquée
5 fois par jour, on lui apprend qu'il a une responsabilité
vis à vis de sa famille et vis à vis des hommes
en général. L'école coranique vous
fortifie l'esprit |